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Il fut un temps où l'Europe parlait français, où quelques souverains, dont Frédéric de Prusse, admirateurs des Lumières, associaient cette langue à une manière d'être, de penser. Le français, indissociable au XVIIIème de la littérature, d'un certain art de vivre, d'une certaine éducation. Elégance, politesse, douceur des manières. Elle fut, paraît-il, la seule langue que Frédéric II de Prusse aie jamais voulu écrire ou parler. Imprégné dès son enfance par la France qu'il ne connut que par les livres, les tableaux et les récits, il tenta de reconstituer un coin de ce pays dans son château de Rheinsberg puis non de loin de Postdam, à Sans-Souci où il transporta ses Watteau, ses vins de Champagne, ses Pommard. Et la France, c'était aussi à cette époque-là Voltaire dont Frédéric II était l'un des plus fervents admirateurs.

 

Depuis 1736, Voltaire correspond en effet avec le prince royal de Prusse, le futur Frédéric II de Bavière, grand admirateur de la culture française. A cette époque de sa vie, Voltaire connait un grand succès littéraire et a accru sa fortune. En 1750, après la mort de Madame du Châtelet, Voltaire, désemparé, accepte l’offre que lui faisait depuis longtemps Fréderic II de se fixer à Berlin. Il quitte Paris le 28 Juin 1750 et n’y reviendra qu’en 1778. Fascination réciproque et intérêts communs : Frédéric II, habile politique, servait ainsi son image de marque. Voltaire, flatté, lustrait son ego.

 

En 1750, Voltaire arrive donc à Potsdam sous une pluie d'or en tant que chambellan. Le 13 octobre, il écrit à sa nièce, Madame Denis : " Nous voilà dans la retraite de Postdam… Je soupe avec lui en petite compagnie (...) On m'a cédé, ma chère enfant, en bonne forme au roi de Prusse. Mon mariage est donc fait. Sera-t-il heureux? Je n'ai pu m'empêcher de dire oui, il fallait bien finir par ce mariage après des coquetteries de tant d'années. Le cÅ“ur m'a palpité à l'autel".  Voltaire, éloigné de Paris a perdu le contact avec son public. Ses dernières pièces sont mal accueillies. En revanche, dans le domaine de la pensé, il se maintient à l’avant-garde. A Postdam, il compte sur Fréderic II pour appuyer de son pouvoir sa campagne philosophique. Le sermon des cinquante, le plus violent pamphlet antichrétien qui soit sorti de la plume d’un grand écrivain, a été rédigé en 1753.

 

Autour de Fréderic II, un cénacle de penseurs aventureux est rassemblé : La Mettrie, Maupertuis, directeur de l’Académie de Berlin… Au souper du roi, on dresse le plan d’un dictionnaire philosophique, projet qui n’aboutira pas. Le roi méprise trop la canaille pour souhaiter l’éclairer. Voltaire s’aperçoit qu’il est l’amuseur et non le conseiller de sa Majesté. Tout se gâte déjà à la fin de 1752 quand il se fâche avec Maupertuis. Les relations entre les deux hommes s'enveniment, le roi de Prusse prend la défense de Maupertuis, traitant Voltaire de faquin, de menteur. C'est la rupture. En décembre 1752, Voltaire écrit à Madame Denis : "Je vois bien qu'on a pressé l'orange, il faut penser à sauver l'écorce. Je vais me faire, pour mon instruction, un petit dictionnaire à l'usage des rois." Mon ami " signifie " mon esclave "."Mon cher ami " veut dire " vous m'êtes plus qu'indiffèrent ".Entendez par: " je vous rendrai heureux" " je vous souffrirai tant que j'aurai besoin de vous ". "Soupez avec moi ce soir " signifie " je me moquerai de vous ce soir ".Le dictionnaire peut être long, c'est un article à mettre dans l'Encyclopédie. (...)Dire à un homme les choses plus tendres et écrire contre lui des brochures ! et quelles brochures ! Arracher un homme à sa patrie par les promesses les plus sacrées et le maltraiter avec la malice la plus noire! Que de contrastes ! Et c'est là l'homme qui m'écrivait tant de choses philosophiques et que j'ai cru philosophe ! et je l'ai appelé le Salomon du Nord !".

 

Voltaire quitte Berlin en 1753, mais Fréderic II se venge : à Francfort, Voltaire est emprisonné par ordre du roi. Il traverse alors la phase la plus critique de sa carrière : Paris lui est interdit, un retour en Allemagne serait dangereux. Il s’installe alors en Suisse près de Lausanne. En 1759, il renoue avec Fréderic II pour lequel il sert d’intermédiaire avec le ministère : il juge, en effet que l’intérêt de la France exige le rétablissement rapide de la paix. Il dirige alors la campagne philosophique pour la réforme de la justice et de l’Etat, pour la liberté et surtout pour la tolérance.

 

Extrait du travail de recherche d' Eliette Effa pour le cours de Français.

Frédéric II et Voltaire à Sanssouci

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